(L’animal dans l’imaginaire de l’Asie : alter ou alter ego ? Colloque organisé par l’Association Asie-Sorbonne en partenariat avec le CREOPS (Sorbonne Université). 13 et 14 janvier 2023) Depuis son antiquité, la culture chinoise réserve au rat et à la souris, indifféremment désignés par 鼠 shŭ, une place particulière et paradoxale. Premier signe du système astrologique, dieu tutélaire de la première heure de la nuit, le rat jouit d’un statut symbolique important. Dans le contexte de sociétés d’abord agricoles, le rongeur est à la fois positif comme symbole de fécondité, et néfaste comme ravageur. Représentation de forces naturelles qu’il faut se concilier, le rat entre ensuite dans le folklore chinois comme un animal qui cohabite avec l’humain et le place, jusque dans ses environnements les plus familiers, en contact avec le sauvage, les dangers qu’il peut apporter mais aussi ses ressources. Le thème venu d’Inde du mariage des souris, présent aussi bien dans des contes, des chansons populaires et des comptines que dans des rituels célébrés à l’approche du nouvel an lunaire, en est une expression. Enfin, sur le plan littéraire, le rat est présent dès les Classiques antiques ou dans la Pérégrination vers l’Ouest (西游记 Xiyou ji) de Wu Cheng’en (1500-1582). Il inspire à des auteurs comme Liu Zongyuan (773-819) ou Pu Songling (1640-1715) des contes et des fables où il personnifie des valeurs ou contre-valeurs morales et sociales à partir d’observations directes de l’animal en tant que tel, entremêlant ainsi réalité zoologique et métaphorisation. En détaillant ces trois aspects du rat et de la souris dans la culture chinoise à travers les siècles, cette contribution voudrait montrer comment le rongeur, animal de l’entre-deux, permet de repenser la partition entre animal et humain, naturel et civilisé, en invitant à redécouvrir le sauvage y compris dans des environnements conçus et occupés massivement par l’humain. Les fables et les contes insistent régulièrement sur la juste rétribution du comportement envers l’animal : entre crainte, maîtrise et générosité, ces oeuvres soulignent l’importance de l’équilibre entre nature et activités humaines.